Occupant de vastes territoires, des tigres géniteurs exceptionnels comme “Wagdoh” ou “Bajrang” ont contribué à l’augmentation rapide et constante de la population du félin à rayures.
ETAT: Maharashtra PAYS: Inde
BIODIVERSITE: 62 espèces de mammifères (Vivek Menon), 44 de reptiles/amphibiens (Varad B. Giri), 294 d’oiseaux (Adesh Shivkar), 172 de papillons (Ashish D.Tiple).
Une réussite grâce à une gestion saine et déterminée
En une quinzaine d’années, la réserve de tigres de Tadoba Andhari est devenue une vraie « success story » dans le projet indien de conservation au point que certains membres des autorités locales de l’état du Maharashtra, soucieux de ménager des intérêts privés incompatibles, en sont venus à proposer de stériliser les tigresses de certaines forêts adjacentes pour limiter la « prolifération » de tigres… un comble !
On peut voir dans cette réussite les effets d’une saine concurrence entre les états du Maharashtra et du Madhya Pradesh voisin, chacun essayant de proposer l’accès à des réserves attractives aux nombreuses opportunités d’observation.
Pour ceux, dont je fais partie, qui ont eu la chance de connaitre Tadoba il y a 10 ans, sans aucune fréquentation touristique, et avant la mise en oeuvre de cette politique active et efficace de conservation, on peut mesurer l’étendue du chemin parcouru.
Dans “l’affaire”, tout le monde y a gagné; les humains comme les animaux. Et ce n’est pas le moindre des exploits !
La réserve de Tadoba Andhari constitue la principale population source des tigres du Maharashtra avec plus de 200 tigres présents à l’intérieur de la réserve et dans les forêts alentours des districts de Chandrapur (31 tigres) à l’ouest, Bramaphuri à l’est comprenant le Wildlife Sanctuary de Ghodazari (39 tigres) et Chanda au sud (23 tigres). A partir de Tadoba, les tigres peuvent migrer au nord vers Tipeshwar, Bor et Umred Karhandla pour ensuite gagner Pench puis Kanha… le salut des tigres d’Inde centrale sur le long terme est tributaire de la dynamique de ces échanges.
La direction du parc a entrepris des travaux importants pour valoriser les zones tampons (nombreux points d’eau créés, pistes d’accès pour les patrouilles anti braconnage, “task force” très présente et largement ouverte au personnel féminin…) et accueillir ainsi un maximum de félins. Mais au niveau de l’état du Maharashtra, les autorités ont été dépassées par le succès des actions de protection des tigres menées ces dernières années à l’intérieur des aires protégées, sans anticiper les conséquences d’une réduction drastique des habitats favorables à l’extérieur des réserves et sanctuaires, notamment au niveau des corridors de dispersion.
Ainsi, tout autour de Tadoba, les menaces sont nombreuses comme les deux projets routiers de liaison Chimur-Kanpa et Hinganghat-Khandsangi-Mul pour un total de 135 km, ce dernier ayant pour effet de couper le corridor nord stratégique entre Tadoba Andhra TR et les forêts du Ghodazari WLS. Selon les experts, les conséquences d’une mise en œuvre de ces chantiers (routes NH6 et NH7 + liaisons ferroviaires) sans prise en compte des enjeux de préservation des conditions de migration de la faune sauvage en sécurité seraient à terme désastreuses sur les effectifs qui déclineraient alors rapidement.
La banque mondiale et le WWF emboîtant le pas des ONG locales estiment que les gains obtenus dans la conservation et la protection des tigres au terme des efforts menés ces dix dernières années risquent d’être totalement annihilés. En cause le développement massif et hasardeux des infrastructures de transport conduisant à une fragmentation irréversible de l’habitat critique des tigres et des autres espèces abritées par ce fragile écosystème.
Dans sa conclusion du documentaire “The Forgotten Tigers” réalisé en 2014, Krishnendu Bose nous livre une vision sans concession et apocalyptique de tigres errants au beau milieu de villages, sans repères, situation qui pourrait devenir monnaie courante si rien n’est entrepris dans les années qui viennent pour connecter efficacement et de manière concertée avec les populations locales, les habitats dédiés à la faune sauvage et à son “Apex predator”.