ETAT: Rajasthan PAYS: Inde
BIODIVERSITE: 32 espèces de mammifères, 268 d’oiseaux, 300 essences végétales.
Difficile conciliation entre les hommes et les tigres
Le sanctuaire de Sariska qui accueille les biotopes des contrées semi-arides d’Inde de l’ouest semble a priori jouir d’une situation exceptionnelle et, avec l’importante quantité de proies sauvages présente dans le parc, propice à l’établissement d’une population significative de grands fauves.
Mais la présence d’un temple en plein cœur de la réserve qui attire une foule considérable de pèlerins toute l’année est l’un des gros problèmes du parc. Contrairement aux tigres de Ranthambore qui ont su parfaitement composer avec des territoires pourtant hostiles, ceux réintroduits à Sariska souffrent d’une adaptation difficile à leur environnement. Ils présentent des comportements souvent erratiques à cause de la forte pression des hommes. Pourtant cette réserve était par le passé un lieu parfait pour les grands félins qui y résidaient nativement en nombre. Mais depuis, les humains se sont multipliés… ont envahi les territoires… et ne sont pas disposés à accepter le rachat et l’indemnisation de leurs nouveaux “droits”.
A Sariska malgré de récentes déconvenues, les autorités n’ont pas renoncé. Depuis le démarrage du projet, 3 des 8 tigres transférés (ST1-ST4-ST5) sont morts. L’année 2019 a été la pire qu’ait connu le parc depuis 2010, puisqu’en plus du décès de ST11, tigre né dans le parc, la tigresse ST5 a été braconnée, le mâle ST4 a été retrouvé mort suite à un combat territorial avec un autre mâle, ST6, et le tigre ST1, premier mâle transféré à Sariska, est mort par empoisonnement.
Le tableau des tigres présents dans la réserve permet de disposer d’un meilleur aperçu de la chronologie des transferts et de la trop faible proportion des tigres nés dans le parc jusqu’à aujourd’hui. Une analyse des ascendances respectives souligne un peu plus la problématique de la diversité génétique. →
Les perturbations occasionnées par les pèlerins et villageois au même titre que la trop grande proximité des individus sélectionnés, expliquent en partie la rareté et l’espacement des portées. Après la mort de ST4 en 2018, le mâle déjà âgé ST6 (13 ans) se retrouve seul géniteur mature dans la réserve, mettant en péril le projet tout entier. Une femelle a ainsi parcouru 30 km pour s’établir sur un nouveau territoire en quête d’un partenaire, s’exposant alors aux braconniers et possibles représailles des villageois gênés par sa présence au-delà des limites du parc.
Conscients des enjeux, les directions des réserves de Ranthambhore et Sariska ont alors convenu du transfert en urgence d’un tigre mâle, 6 ans après l’arrêt des relocalisations. Le 12 avril 2019, le tigre T75 W, issu d’une prestigieuse lignée de tigres de Ranthambhore, est transféré et devient ST16 à Sariska. Âgé de 7 ans, il est placé dans un immense enclos construit pour qu’il puisse s’acclimater en douceur à son nouvel environnement. Si les tigresses sont transférées vers l’âge de 3 ans environ, des mâles plus âgés sont choisis pour les rejoindre. En l’occurrence, le choix d’un tigre plus expérimenté et à l’apogée de sa puissance a un objectif clair : qu’il déloge progressivement ST6 pour s’accoupler avec les tigresses en âge de procréer (ST7, ST8, ST9, ST10 qui vient de perdre sa portée).
Depuis peu, l’État du Rajasthan consacre d’importants moyens pour améliorer la surveillance des animaux et des aires protégées (tours en treillis métallique équipées de caméras diurnes et nocturnes reliées au PC sécurité et déployées en des points stratégiques de la réserve, système de panneaux solaires pour le fonctionnement des équipements et le pompage en profondeur pour alimenter des points d’eau artificiels judicieusement répartis…). En dépit de tous ces nouveaux moyens, début juin 2019, moins de deux mois après son transfert à Sariska, le tigre ST16 succombe, foudroyé, après une opération d’endormissement pour soigner des blessures. Une enquête post mortem révèle les causes du décès : la chaleur combinée à une dose excessive de tranquillisant. Ce transfert qui devait relancer le processus de repeuplement de la réserve se transforme en fiasco et soulève la question de la poursuite du programme dans un contexte visiblement très défavorable.